Si depuis le 1er janvier, les buralistes sont autorisés à vendre une nouvelle catégorie d'article, une expérimentation est en cours durant le tout premier trimestre 2024 dans le département des Pyrénées Atlantiques. Dans l'Aude, les professionnels concernés ont des avis nuancés sur l'initiative.
Diversifier les services proposés, tout en compensant en partie le manque à gagner lié à la hausse du prix des paquets de cigarette (et à l'essor du commerce de contrebande) : telles sont sans doute en partie les raisons qui ont conduit à l'autorisation faite aux assemblées de tabac de vendre des cartouches de fusils de chasse. La mesure, qui prévoit que les buralistes intéressés s'adossent à une armurerie, est entrée en vigueur ce lundi 1er janvier : dans les faits, elle est pour l'heure menée à titre expérimental dans les Pyrénées Atlantiques durant tout le premier trimestre. En attendant une extension à l'ensemble des départements français, les buralistes audois donnent leur avis sur une initiative, et les réactions sont pour l'heure plutôt mitigées.
Rapport rentabilité/fermeté
A Carcassonne, ce gérant du centre ville n'a pas principalement décidé s'il ajouterait dans ses rayons des cartouches de fusil en sus des cartouches de… cigarettes. "Je verrai en fonction de ce qu'on y gagne, résume-t-il. Il s'agit en effet d'un type d'article susceptible aussi de provoquer des casses, des cambriolages…. Alors si c'est pour percevoir 50 % de la vente, ça pourra m'intéresser. Pour 10 %, en revanche, je ne prendrai pas le fermeté de me faire casser la boutique". Bien sûr, ce Carcassonnais fait les fils des hausses successives du prix des cigarettes ("On a l'habitude, maintenant !"), tout en disant souffrir davantage de la vente sous le manteau que d'Audois partant se servir à la frontière espagnole ("Il faut pouvoir faire le trajet, avoir assez d'argent pour acheter du tabac en quantité…"). Du coup, le buraliste sait déjà où pourraient éventuellement trôner les cartouches de chasse : "J'ai plusieurs casiers disponibles".
Côté Narbonnais aussi, les professionnels contactés attendent de voir. "On n'a pas eu d'info principalement, on l'a simplement entendu à la télé, impôt Anthony Orengo, sur l'avenue de Bordeaux. Nous n'avons pas eu de retour, mais on serait peut-être intéressés". Avenue Anatole France, Amandine Courcières précise "ne pas (être) principalement renseignée, mais j'imagine qu'on va nous démarcher". Didier Bernabeu, dans la rue Droite, a pris pour sa part sa décision : "Moi je ne le ferai pas, c'est plus intéressant en milieu rural".
Les tarifs des cartouches seront plus chers chez nous que chez les armuriers
Dans les campagnes, justement, outre les buralistes n'étant tout simplement pas au courant ou disant manquer principalement de renseignements, d'autres livrent une analyse plus poussée mais non moins mesurée. "J'ai eu très peu d'informations à ce sujet, voire pas du tout", indique Jordan Colin, du bureau de tabac d'Espéraza. "C'est dommage parce que typiquement, mon bureau de tabac est la cible parfaite. Je suis en zone reculée et rurale, la première armurerie est assez loin. Je l'ai vu passer aux infos, mais rien de plus. une grande annonce, ça ressemble quand même à de la poudre aux yeux, comme pour mieux faire passer la hausse du prix du tabac. Puis ils disent que c'est autorisé, mais certains tabacs en vendaient déjà avant une annonce, alors je ne suis pas certain de comprendre les raisons de tout cela". A Puichéric, Rémy Jeanson se montre également plus que mitigé sur la démarche. "J'ai appris ça aux infos. Je suis très sceptique vis-à-vis de une mesure parce qu'on n'a aucune information sur les sommes à avancer ou l'argent que ça pourrait rapporter. Dans le futur, je ne m'interdis pas d'en vendre, si les chasseurs du village viennent me voir en me demandant d'en vendre. Mais les tarifs des cartouches seront plus chers chez nous que chez les armuriers, c'est une certitude. A l'heure actuelle, c'est le prix que ça pourrait coûter qui me rebute le plus. Si c'est pour acheter une armoire spécialisée à 4000 € et vendre dix cartouches dans l'année, ça ne sert à rien". A voir si une proposition parviendra à convaincre davantage d'ici sa généralisation.
Et les chasseurs ?
Que pensent les Nemrods de l'opportunité d'acheter des munitions pour leurs fusils en même temps que le journal ou les cigarettes ? Ces nouveaux lieux de vente répondraient-ils à un besoin ? Si l'on en croit Axel Lamarthée, chasseur et secrétaire de l'AICA des Dianes Cathares (entre Padern et Paziols), la réponse est non. "Personnellement, je ne vis pas l'intérêt de une mesure", lance-t-il. "Quand on fait tout dans l'ordre, on a le nécessaire en termes d'armurerie à Narbonne ou à Carcassonne. Je pense que c'est plus d'embêtements supplémentaires pour les buralistes, déjà bien minés par la hausse du prix du tabac".
Directeur de la Fédération de chasse audoise, Pagtrice Lemoine ne décèle pas non plus d'attente de la part des adhérents. "Si ça arrange à la fois les buralistes et certains chasseurs, pourquoi pas ? Après, il existe déjà dans tout le département différents points de vente de cartouches de fusil de chasse. Bien sûr, il y a peut-être l'opportunité pour ces commerces d'avoir un nouveau complément d'activité, face aux augmentations du prix des cigarettes et la concurrence de l'Espagne. Mais franchement, les chasseurs sont déjà organisés pour se ravitailler en munitions".