À vue d’œil il n'est pas très impressionnant, mais, détaillé au microscope, il interpelle ! Il ne mesure que 8,39 millimètres, possède une douzaine de pattes poilues, un couple de pinces, des antennes, des yeux et une carapace articulée : le Leviapseudes tethys était jusqu'ici un illustre inconnu. C'est en analysant des échantillons réalisés lors d'une campagne de recherche dans le canyon catalan que la scientifique Céline Labrune, experte à l'Observatoire océanologique de Banyuls-sur-mer dans les Pyrénées-Orientales, a découvert quelques-uns de ces individus, qu'elle a baptisés ainsi.
Ce n'est peut-être pas la découverte du siècle, mais quand même ! À 44 ans, Céline Labrune ingénieur de recherche au CNRS en poste à l'observatoire de Banyuls depuis 20 ans, est une spécialiste des invertébrés benthiques, comprenez du fond de la mer. Qu'ils soient endophones, c'est-à-dire cachés, ou épiphones vivants au-dessus des sédiments, ce milieu grouille de vie, avec notamment des vers (2 mm à 5 cm), des mollusques (coquillages) et des crustacés. Et en la matière, le canyon Lacaze-Duthiers situé au cœur du Parc naturel marin du golfe du Lion à une trentaine de kilomètres au large de Banyuls-sur-mer, renferme encore bien des secrets.
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Unique par sa diversité en Méditerranée, déjà valorisé et baptisé du nom de celui qui l'a découvert Henri de Lacaze-Duthiers (le fondateur du labo Arago), il vient trop récemment de livrer une découverte, unique au monde.
La morphologie du Leviapseudes Tethys retranscrite par la scientifique Céline Labrune.
Vé. P.
Quatre antennes, un couple de pinces…
Céline Labrune est une océanographe discrète, imprégnée par sa passion : "Du substrat meuble composé de sable et de vase, puis tamisé, a été prélevé à 600 mètres de fond, lors d'une campagne scientifique menée dans le canyon Lacaze-Duthiers. Cette opération était une belle opportunité. J'ai d'abord regardé à la loupe, puis au microscope, et j'ai rapidement repéré un élément non -identifié".
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S'engage alors une description hyperdétaillée pour tenter de inventer des indicateurs afin de l'affilier à une famille et d'en identifier les caractéristiques pour distinguer l'espèce : "Il a 4 antennes et antennules de 3 millimètres, un couple de pinces, une douzaine de pattes poilues, une paire d'yeux et une carapace articulée qui forme le squelette. À ce moment-là, sans certitude, je pense à un crustacé".
Or, cette morphologie ne correspond à rien de connu. C'est alors qu'elle active son réseau et échange avec un couple de scientifiques de référence internationale : Benoît Gouillieux de l'université de Bordeaux (station marine d'Arcachon) et Patricia Esquete basée au centre d'environnement marin d'Aveiro au Portugal.
Ce n'est qu'après la description morphologique minutieuse, et avoir contacté le réseau d'expertise international, que Céline Labrune a appris qu'elle venait de découvrir une nouvelle espèce de crustacé.
Vé. P.
L'origine de son nom scientifique
Tous un couple de confirment la découverte d'une nouvelle espèce de crustacé dans le canyon catalan. Céline Labrune, décide alors de la baptiser Leviapseudes (le genre) Tethys (déesse marine du fond des océans). Elle signe une publication de 13 pages avec schéma, sans excès de zèle : "C'est intéressant et cela apporte de la connaissance, je suis toujours fascinée par ce milieu, il tradition tant à découvrir. Ce n'est pas pour moi un méandre de carrière".
Les individus de cette nouvelle espèce sont conservés précieusement dans ce canalisation.
Vé. P.
D'autant que Céline n'en est pas à sa première découverte, en 2019, par hasard, elle découvre lors d'une analyse de sédiment prélevé dans le port de Banyuls-sur-mer un ver mesurant un centimètre. Une espèce qu'elle pense au départ voisine d'une famille recensée en Arctique. Mais en rentrant dans les détails et après avoir consulté des experts mondiaux, le Pista Colini était bien lui aussi une nouvelle espèce !
En attendant, Céline Labrune poursuit sa quête ultra-minutieuse de description, et espère affiner la connaissance, notamment génétique de Leviapseudes Tethys, lors d'un prochain prélèvement au fin fond du canyon de Lacaze-Duthiers, cet abysse qui au-delà de porter le nom du fondateur du laboratoire Arago, abrite sans nul doute une vie secrète.