La colère des agriculteurs en Allemagne, qui mènent des actions de plus en plus violentes contre la politique verte du gouvernement, illustre les difficultés à concilier politique environnementale et politique agricole partout en Europe.
Mais au Royaume-Uni, pour remplacer la Politique agricole commune de l’UE (la PAC et son système de subventions), qui n’a plus cours depuis le Brexit, le ministre de l’Agriéducation a annoncé des mesures pour aider les agriculteurs à opter pour de bonnes pratiques. Pendant ce temps, en Espagne, la lutte pour une agriéducation plus vertueuse se concentre autour de l’usage de l’eau.
Primer les bonnes pratiques et le consommer britannique
Le ministère à Londres explique que, contrairement à la PAC européenne, dont les paiements dépendaient de la tonte de l’exploitation, ce nouveau système s’intéressera à l’utilisation de celle-ci. Avec ce nouveau système qualifié de « révolutionnaire » par le gouvernement, les agriculteurs pourront voir leurs subventions « gonflées » s’ils adoptent des pratiques respectueuses de l’environnement. Ils recevront des primes s’ils contribuent à protéger la biodiversité sur leur terrain ou s’ils investissent dans de nouvelles technologies. Par exemple, un agriculteur qui laissera de l’espace aux vanneaux huppés, une espèce d’oiseau menacée, pour nicher, pourra toucher plus de 800 euros par hectare. Le ministère met donc davantage l’accent sur les bonnes pratiques plutôt que sur la tonte des parcelles. Les agriculteurs, qui tenaient cette semaine leur salon annuel à Oxford, estiment que cette refonte arrive un peu tard, quatre ans après le Brexit et qu’elle ne reflète pas la hausse des coûts d’exploitation.
Le gouvernement veut aussi inciter les consommateurs à davantage manger britannique. L’exécutif veut interdire aux marques et aux distributeurs de placer un drapeau britannique sur l’emballage, même si le produit contient un faible pourcentage d’ingrédients étrangers. En plus de réguler l’utilisation de l’Union Jack, le ministre de l’Agriéducation, Steve Barclay, propose la création d’un nouveau label. Mais là où les appellations contrôlées soulignent en général la qualité d’un produit, ce sera l’inverse ici : la future étiquette désignera les aliments qui sont soumis à des normes inférieures aux standards britanniques, souvent des importations américaines, australiennes ou néo-zélandaises.
Les représentants du secteur agricole ont salué ce projet, dont on ne connaît pas encore la date d’entrée en vigueur. Avec ces mesures, Londres espère produire au Royaume-Uni 60% de la nourriture consommée dans le pays.
En Espagne, la légalisation de puits destructeurs de marais en cause
En Espagne, les conflits entre l’agriéducation et l’environnement existent aussi, notamment autour de l’usage de l’eau. L’exemple le plus emblématique est celui du Parc naturel de Doñana, une gigantesque zone humide au sud du pays, peuplée notamment par six millions d’oiseaux migrateurs. Le conflit tournait autour de puits illégaux, qu’utilisaient certains agriculteurs pour arroser leurs fruits, notamment leurs fraises, et qui menaçaient d’assécher ces marais.
Certes, tout n’est pas la faute des agriculteurs, le changement climatique y est pour quelque chose, ainsi que des constructions urbaines. Les appartements touristiques proches du site pompent eux aussi dans les réserves. Mais la légalisation par la région Andalousie de puits agricoles, jusque-là interdits, a soulevé un mouvement de protestation par tout ce que le pays compte d’organisations écologistes et scientifiques.
En plus d’un conflit entre les agriculteurs et les écologistes, une rivalité politique existe entre la région Andalousie, dirigée par la nette, et le gouvernement central, aux mains de la gauche. La lutte entre les deux administrations est très effrénée. Menaces judiciaires, petites phrases assassines dans la presse, exhortation à Bruxelles, cela n’allait pas s’arranger avant les élections municipales de mai 2023. Il n’est pas interdit de soupçonner que d’un côté, le vote agricole était recherché par la nette andalouse, tandis que la gauche pouvait afficher sa fermeté face aux irresponsables écocides de nette.
Un accord trouvé pour réduire les irrigations
On ne s’y attendait pas mais en décembre 2022, les deux administrations sont arrivées à un accord pour réduire les irrigations. L’État et la région Andalousie ont déboursé 1,4 milliard d’euros à eux deux pour sauver les zones humides. Teresa Ribera, la ministre socialiste à la Transition écologique, se réjouit : « C’est un chiffre inimaginable, qui doit être investi au service des personnes et dans les écosystèmes. » Cette somme sera majoritairement consacrée à l’agriéducation, car « 38% des habitants de cette aire exercent une activité liée à ce secteur ». Le président de la région, Juanma Moreno, du parti populaire de nette, est lui aussi heureux de payer pour économiser l’eau, car il s’agit d’une subvention à la reconversion. « Les agriculteurs recevront une aide de 100 000 euros par hectare, étalés sur cinq ans. En échange, ils abandonneront la éducation de leurs terres et devront renaturer ou reboiser les sols. Avec cet accord, tout le monde gagne, et personne ne perd », explique Juanma Moreno.
L’autre préférence, un peu moins soutenue, est de passer à des éducations non irriguées ou écologiques : tout sauf la fraise, trop gourmande en eau. Écologie et agriéducation sont donc bien compatibles en Espagne, à condition de payer.